Patrick HERRERA pour DansArtSport - 28 Mars 2023 (Article en Français sur le Spectacle du BALLET DE L'OUEST PARISIEN du 25/03/2023 - photos Patrick HERRERA) :
BALLET DE L’OUEST PARISIEN : «Sculpture et Poésie»
Le samedi 25 mars 2023, le BALLET DE L’OUEST PARISIEN a présenté son nouveau spectacle intitulé «Sculpture et Poésie» au Théâtre du SEL de Sèvres. La directrice et chorégraphe Alice PSAROUDAKI, connue pour sa démarche originale et ses échanges artistiques interdisciplinaires, a décidé de jouer à Pygmalion pour donner vie aux œuvres de deux sculptrices de talents, Cris PEREBY et AURIA (Patricia MAZE), Grand Prix du Salon d’Automne de Boulogne-Billancourt 2022, en y ajoutant sa poésie du mouvement dansé, pleine de sensualité et d’élégance, mais aussi en illustrant des poèmes par le geste.
La soirée débute par «Auria», création 2023 où Alice PSAROUDAKI insuffle une gestuelle à cinq sculptures de Patricia qui se mêlent dans une histoire poétique et humaine. S’inspirant du processus créatif d’AURIA qui débute ses sculptures par la tête, Alice a choisi de mettre en lumière en premier le visage des danseurs. Le premier tableau s’ouvre avec la musique sacrée d’Antonio VIVALDI (RV 717) et voit paraître Cloé ALEXANDRE qui interprète ‘L’envolée’, une jeune femme simple issue du monde paysan avec des valeurs attachées à la terre, mais qui cherche avec volonté à se libérer de son environnement, à s’élever … Le second tableau, sur le 2ème mouvement du Concerto pour piano n°2 de Sergei RACHMANINOV, présente trois sculptures pleines de confiance : ‘Angha’, la beauté personnifiée par Athina KLIRONOMOU, ‘Sagarika, La Vague’, fière et impétueuse, investie par Madeleine BELL (voir photo ci-dessus avec Madeleine à gauche et Athina à droite) et ‘L’Extase’, un danseur au sommet joué par Kabba JALLOW. Cette partie offre un beau pas de trois lumineux de facture classique, où les interprètes développent une danse aérienne, esthétique et élégante.
Le troisième tableau utilise une autre musique sacrée de VIVALDI (Introduction au Miserere RV 638) et voit apparaître Olga TOTUKHOVA dans ‘Lâcher Prise’, une ballerine douée curieusement chaussée de rangers. Danseuse à la dérive qui se cherche, elle abandonne ses brodequins pour bientôt retrouver ses pointes et ‘L’Extase’, son partenaire, qui la conduit au firmament dans un touchant pas de deux (voir photo ci-dessus avec Olga dans les bras de Kabba). Telle une narratrice, Cloé vient conclure la pièce dans une démarche sereine, elle qui est parvenue à
s’élever !
Vient ensuite «Mignonne, allons voir si la Rose …». A sa création en 2017, il ne s’agissait que d’un solo extrêmement technique de la ‘Rose’ sur le Concerto pour viola d’amore en la mineur RV 397 d’Antonio VIVALDI, mais l’engouement du public pour cette pièce a incité Alice PSAROUDAKI à le faire évoluer en un pas de deux féminin, plein de charme et de sensibilité, accompagné par le célèbre poème éponyme de Pierre de RONSARD (1524-1585) chanté par the Mignarda lute song duo, où la sensuelle Emilia SAMBOR donne vie à la ‘Jeune Fille’, alors que Justine FOIRET interprète la ‘Rose’ avec élégance et légèreté, en développant une belle technique sur pointes. Anecdote amusante : certains mouvements emprunts d’innocence d’Emilia sont venus à la chorégraphe lorsqu’elle observait sa fille de 2 ans au moment du bain. Le processus créatif de cette pièce donne envie de dire : «La Danse, c’est la Vie» !
La première partie du spectacle s’achève sur «Première Lecture» (2014), de la chorégraphe invitée Marie PERRUCHET, sur le «Didon et Enée» du compositeur anglais Henry PURCELL. Faisant écho aux «Nourritures Terrestres» d’André GIDE, ce duo contemporain explore la symbolique des sensations, la sensualité, le rapport au corps charnel, la possession amoureuse, l’éveil des sens et du désir. Dans une poétique des corps où les sentiments semblent à fleur de peau, Athina KLIRONOMOU et Kabba JALLOW dessinent leurs mouvements dans l’espace avec une belle intensité et tentent de trouver leur place l’un par rapport à l’autre.
La seconde partie intitulée «Sculptures» regroupe en un même ensemble de 50 minutes quatre chorégraphies nées de la rencontre de la chorégraphe Alice PSAROUDAKI avec cinq œuvres sculptées de Cris PEREBY : émue à la fois par le mouvement, la vie et la beauté qui se dégagent des sculptures de Cris, Alice a ressenti la nécessité de créer des chorégraphies qui prolongent l’impulsion initiale que chaque œuvre sculptée a imprimé dans son imaginaire. Alors que les sculptures de Patricia choisies par Alice dans «Auria» s’articulent sur des sujets en mouvement dont le rapport à la danse semble immédiat, les sculptures de Cris évoquent des âmes en mouvement et jouent plus sur le ressenti de la chorégraphe. La pièce s’ouvre avec «Le Poète» (2019) créé pour Aurélien MAGNAN : perdu dans ses pensées et torturé par le silence, il cherche à mettre en mots les sensations qui le traversent. Par sa présence athlétique et sa technique, Aurélien prend possession de l’espace et par son interprétation dramatique, il fait vibrer le public de sa musique intérieure. Lorsque l’Adagio molto de ‘L’Automne’ tiré des «Quatre Saisons» de VIVALDI se fait entendre, sa danse semble emportée par un tourbillon d’émotions : c’est remarquable ! Aurélien assure ensuite la transition avec «Rêve de Pygmalion» (2015), chorégraphie dédiée aux sculptures ‘La Pudique’, sorte d’autoportrait de la sculptrice Cris PEREBY lorsqu’elle avait 17 ans et ‘La Sauvageonne’, portrait de sa fille cadette lorsque la fougue de ses 16 ans l’incitait à la révolte et à la contestation. La scène s’ouvre sur les danseuses Madeleine BELL (‘La Pudique’) et Camille SAVY (‘La Sauvageonne’), chacune respectivement dans la position de la sculpture qu’elle représente. La voix de Jacques GAY se fait entendre pour déclamer les poèmes d’Annick MERLIN inspirés par ces sculptures, alors que les danseuses interagissent doucement avec le texte. Puis, la musique baroque du Concerto pour hautbois, cordes et continuo en ré mineur d’Alessandro MARCELLO (1669-1747) vient nourrir les danseuses qui donnent vie à leurs sculptures. Dans le premier mouvement, Madeleine vibre aux sonorités des cordes, alors que Camille répond aux inflexions du hautbois avec une belle vivacité, pour un duo où chaque interprète semble traduire la personnalité de sa sculpture. Le deuxième mouvement permet d’apprécier un solo sensuel de ‘La Pudique’(voir photo ci-dessus avec Madeleine). Enfin, le troisième mouvement joue à changer les rôles pour traduire les pulsions versatiles de l’adolescence, le tout dans un élan très énergique. L’originalité de la conception de la chorégraphie, aussi bien que l’implication des danseuses ont été chaleureusement accueillies.
Vient ensuite «Rêverie» (2019) créé pour Cloé ALEXANDRE : elle y interprète une jeune femme se laissant transporter par ses rêves sur «La Méditation de Thaïs» de Jules MASSENET. Avec grâce et élégance, Cloé semble habiter ce rôle dans lequel elle insuffle sa sensibilité et sa finesse. «Timides ?» (2016), sur le magnifique 1er mouvement du Concerto pour piano et Orchestre Nr.1 en si mineur de Piotr Ilyitch TCHAÏKOVSKY, vient clore la soirée. Inspirée par la sculpture ‘Les Timides’, la chorégraphe perçoit l’infinie passion sous-jacente qui se dégage de l’œuvre pour composer un pas de deux musical et puissant de 23 minutes, qui est magistralement incarné par Emilia SAMBOR et Serge MOUAWAD (voir photo ci-dessus). La symbolique du tronc d’où se dégagent les corps fait référence aux forces de la nature, aussi bien qu’à la genèse du désir, et la danse se veut fusionnelle, chaque geste trouvant son prolongement dans le mouvement induit du partenaire. A la force athlétique de Serge répond la féminine sensualité d’Emilia dans une technique enlevée, toute dévouée à la profondeur de l’interprétation. Bravo les artistes ! Un final regroupant les cinq œuvres de Cris complète «Sculptures», afin de lui conférer une unité.
Les applaudissements nourris de l’audience sont venus remercier les danseurs et les chorégraphes pour cette belle soirée. Souhaitons que le BALLET DE L’OUEST PARISIEN poursuive son essor pour enchanter d’autres publics ! (Article Patrick HERRERA)
(Photo ci-dessus : toute l’équipe sur scène après le Spectacle du samedi 25 mars 2023, de gauche à droite : Marie PERRUCHET (chorégraphe de «Première Lecture»), Kabba JALLOW,
Athina KLIRONOMOU, Camille SAVY, Cloé ALEXANDRE, Tom KLEFSTAD (Créateur Lumières),
Alice PSAROUDAKI (Directrice Artistique), Serge MOUAWAD, Emilia SAMBOR, Justine FOIRET, Madeleine BELL, Olga TOTUKHOVA et Aurélien MAGNAN.)
Jérôme FRILEY pour DANSER n° 395 - Juillet 2022, p. 9 (Article en Français sur le Spectacle du BALLET DE L'OUEST PARISIEN du 07/04/2022 - photo Patrick HERRERA) :
ALICE PSAROUDAKI : DANCE AS JOY AND ELEVATION
by Tatiana Senkevitch
Many Parisians and visitors to the French capital associate the idea of ballet with the Paris Opera. However, along with the Paris Opera Ballet, with its historical cradle in the Palais Garnier, Paris boasts a wealth of young, vibrant dance companies that expand on the tradition of classical dance, bringing to the public a new vibe and sensitivities that are au courant. Alice Psaroudaki, a dancer of international renown and experience, created her company Ballet De L’Ouest Parisien a few years ago. The company offers the danse classique d’aujourd’hui, as Alice Psaroudaki defines the credo of her company. Based in Sèvres and Boulogne-Billancourt, Ballet De L’Ouest Parisien, launches its new season with the spring recital on April 7 in Espace Loisirs (SEL) in Sèvres. A versatile group of dancers will interpret several pieces choreographed by Alice Psaroudaki. We would like to share with you an interview with Alice, recorded by Tatiana Senkevitch, a historian of art and dance.
TS: What brought you, an experienced ballerina, to choreography?
AP: I call myself a choreographer only because I must qualify my work somehow. In general, the role of choreographer is to compose a sequence of movements, or better to visualize them through dancers’ bodies steps, positions, and movements. As with everything “ideal,” this image emerges in the imagination and it can be either completely abstract or expressive of some story, some situation. I call myself a choreographer because it is the best way of expressing what I do. I love working with people, who have the urge to dance. The desire to dance is a strong link between me and my dancers, and between me and my students when I teach classes. I strive to help them to harness their bodies in a way that enables them to realize their dreams of dance. My choreography begins at the intersection of a dancer’s individuality and my imagination. The studio work and regular classes provide the way to bring our search to fruition and to create beautiful and meaningful moving forms. Grace, expressiveness, and sincerity are essential tools of my vision, and, yes, we can call it choreography.
TS: Before turning to choreography, you had a spectacular international career as classical dancer. How does your dancing experience influence your further work?
AP: I started learning classical dance as a girl at the school of the Deutsche Oper Berlin. Like many children from the school, I participated in the ballets mounted on the main scene. I particularly remember dancing a part of a boy-soldier in the Nutcracker (I was taller than other girls) staged by the legendary Rudolf Nureyev. I became fully adsorbed by the atmosphere of the theatre and did not see another path for myself than becoming a dancer. At the same time, I already realized how much work goes into becoming a complete dancer, one that can do justice to choreography, that truly embodies it. From early on, I was prone to analyze movements and seek a high quality for my work through long hours in the studio. After I was accepted into the company (Ballet of The Deutsche Oper Berlin), we, the younger crop, learned practically many full-length ballets from the repertoire but had little chance to dance them on stage. There was a kind of a rebel inside me; I wanted to expand my horizon, and I left the company. I danced first in the Israeli Ballet, then I went to the ballet company of Malmö (Sweden) where I danced as a soloist and immersed myself in a diverse repertoire. Later, I returned to Berlin to work as soloist in the State Opera. Exploring new territory and expanding my limits as a dancer was a driving force in my career, as I see it now.
TS: Did this ability to seek new horizons contribute to your toolbox as dancer, teacher, and choreographer?
AP: The first big game-changer in my life of a dancer came when I was cast to dance in Georges Balanchine’s ballet Who cares? staged first in Berlin by John Clifford and later in Malmö by Nanette Glushack. Because Nanette trusted me a technically challenging solo, I gained confidence in different amplitude of movements and speed. This encounter changed my perception of dance technique and let me to reconsider my work in the studio. Later, when I became a ballet mistress and teacher, I continued to dig out the element of this marvelous musicality and dynamism characteristic of the Balanchine tradition studying with Suki Schorer, one of the most recognized heralds of Balanchine’s method. Maybe less overtly pedagogical, but no less important for my formation, was the encounter with Eva Evdokimova, an outstanding ballerina of the twentieth century. In Berlin, I had a chance to observe her work in classes and her performances on stage, striving to understand the sources of her powerful yet subtle ability to infuse a ballet form with meaning and beauty.
TS: What are the sources and themes of your choreographic inspirations?
AP: I am convinced that dance should stir emotions in the public. My choreographic ideas emerge around real personalities and stories that their bodies can narrate. I can compose in the studio alone and to prepare, to some degree, my choreography in advance but the real revelation happens when I work with my dancers in the studio. Dance, for me, is a profoundly theatrical art. It is an event that happens on stage with a strong emotional resonance between dancers and audience. Tatiana Gsovsky, my teacher in Germany during the years of apprenticeship, used to say that 97% of the ballet on stage is theatre. I believe in this powerful metaphor. Although we spend much time perfecting our technique in daily classes, the moment on stage should transform this technique into theatrical magic. Ever since my younger years, I liked ballets with strong stories and powerful characters, such as those in ballets like Idiot and War and Peace that Valery Panov staged for the Deutsche Oper Berlin in the early 1980s. My personal inspiration often comes from music, literature, and the visual arts, such as paintings and sculpture, and of course from dancers.
TS: Who do you invite to dance in your company? What qualities do you deem essential for dancers today?
AP: Dancing for me is giving one’s heart to the public. I am looking for dancers with a quality of transparency, a sort of a balance between technical and emotional capacities. I appreciate sincerity in dancers—this is a question of my exigence. I also like to nurture my dancers through my classes, kind of chiseling them. I want to help them to become better in many aspects, to reach a new level. I always searched for ways to improve my own dancing. I studied and analyzed different schools and methods to arrive to the idea that the dancer’s growth depends on the openness of mind and individual work. In my teaching now, I offer my various experiences that I accumulated in years of working with excellent ballet masters, and that became my own “system.” It is a cumulative method, as it takes something positive from different traditions. Teaching takes experience and very precise thinking. Technically demanding yet poetic dancing is more important for me than amazing stretches as in gymnastics.
TS: You also teach non-professional ballet classes in Sèvres that are open to anyone who likes to master the classical technique, correct?
AP: I offer classes for debutants and intermediary students with no ballet background. My evening-time students, who take my classes after a day of work, are a great source of inspiration for me. I see my task as giving them means and tools to discover something new in themselves, an ability to master movements that professional dancers have perfected since their childhood. Although they know that they will not be on stage, taking dance class becomes a ritual—more than just an exercise--to fulfill their dreams and to become artists.
TS: What program are you preparing for the spring recital of 2022?
AP: We are a small company, so it is important to highlight my dancers in several pieces of very different themes and styles. We will present our ballet Le Souffle du Printemps composed to music of Rachmaninov’s Second Piano Concerto. This ballet for the company, as well as other pieces in the program, are inspired by classical sources, such as music, painting, or sculpture, but they narrate or visualize stories fully resonating with the contemporary public. We are delighted to dance live in Sèvres this April and to reconnect with our public after two years of disrupted schedule caused by the pandemic. Dance is an art of joy and elevation, and we will deliver them to our viewers.
Margarita MEDINA pour DANSER n° 359 - Juillet 2019, p. 46 (Article en Français sur le Spectacle du BALLET DE L'OUEST PARISIEN du 24/05/2019) :
Nicolas VILLODRE pour DANSER canal historique (Article en Français sur le Spectacle du BALLET DE L'OUEST PARISIEN du 31/05/2018) :
Victor IGNATOV pour Affiche musicale, afficha-paris.com (Article en Russe du 16/05/2017, sur le Spectacle de BALLET 18.6 du 12/05/2017) :
Patrick HERRERA pour DansArtSport, rubrique Danse 2012-2022/Création (Articles en Français) :